Monday, November 11, 2013

Nucléaire iranien : la France inflexible

Tout faisait croire à un accord imminent, à Genève, entre les grandes puissances et l'Iran, à propos de son programme nucléaire. Après plus de dix années de crise, une solution paraissait à portée de main. Deux éléments nourrissaient cette perception. D'une part, l'intense campagne médiatique du nouveau ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, optimiste sur l'issue des pourparlers. D'autre part, l'arrivée surprise du secrétaire d'Etat américain, John Kerry, interrompant une tournée au Proche-Orient pour rejoindre les négociateurs à Genève.

Mais un accroc majeur a perturbé cette chorégraphie diplomatique : la France s'est opposée à un projet d'accord intermédiaire, le jugeant insuffisant. Arrivé en urgence à Genève, le ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius, a dénoncé « un texte initial que nous n'acceptons pas ». Dimanche 10 novembre, la réunion s'achevait sans accord. Les discussions étaient renvoyées au 20 novembre.
Que s'est-il passé ? Récapitulons. Barack Obama, réélu voici un an, espèreopérer une percée historique avec l'Iran, acteur majeur de bien des dossiers au Moyen-Orient. Il voudrait saisir l'occasion de l'élection en juin d'un président iranien à l'image de « modéré », Hassan Rohani. Ce dernier est pressé d'obtenir un allégement des sanctions qui étranglent l'économie iranienne. Le « texte initial »mentionné par M. Fabius serait le fruit de tractations américano-iraniennes tenues en amont de la réunion de Genève. Les responsables français ont jugé que les demandes faites à l'Iran étaient insuffisantes, en particulier s'agissant de la filière du plutonium.
La France n'en est pas à son premier accès de fermeté sur ce dossier nucléaire. Depuis le milieu des années 2000, sa ligne est constante, par-delà les changements à l'Elysée. Cette fois, c'est la diplomatie de François Hollande qui prend à revers celle de Barack Obama. Deux mois après l'hiatus franco-américain sur la Syrie, cela n'a rien d'anodin. L'attitude française n'a pas manqué d'êtredécrite comme alignée sur celle d'Israël, qui était vent debout contre un « mauvais » accord à Genève.
La France, obstacle à une négociation ? Lecture simpliste. Elle campe, bien plutôt, un rôle de gardienne des règles de non-prolifération des armes nucléaires. Elle semble taxer l'équipe Obama de précipitation. Elle est persuadée qu'avant dedesserrer l'étau économique qui a conduit l'Iran à la table des négociations, des garanties durables doivent entraver la capacité de cet Etat à fabriquer l'arme atomique. La France se méfie d'un « jeu de dupes », selon l'expression de M. Fabius. Elle détient une carte maîtresse : impossible de lever des sanctions importantes sans unanimité européenne. Prévenir un scénario militaire contre l'Iran, estime-t-on à Paris, passe par une approche intransigeante. C'est une position de conviction, mais qui présente un risque d'isolement. Rendez-vous le 20 novembre.

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